MON ONCLE de JACQUES TATI (1958)
Monsieur Hulot, un gentil hurluberlu bohême, habite dans un modeste deux-pièces d'un quartier populaire. Il rend parfois visite à sa soeur, mariée à monsieur Arpel, un riche industriel qui fabrique des tuyaux en plastique dans une usine à la pointe du progrès. Les Arpel habitent une luxueuse villa, truffée de gadgets ultramodernes. Leur fils, Gérard, âgé de 9 ans, adore la compagnie de son oncle, qui sait si bien partager ses jeux et met un peu de fantaisie dans son univers aseptisé. Une fréquentation que Mr Arpel n'apprécie guère...
Sans hésitation mon Tati préféré. Parmi les quatres films de Jacques Tati que j'ai pu visionner jusqu'à maintenant, "Mon Oncle", réalisé en 1958, s'est imposé à mes yeux comme mon "chouchou". J'ai eu un véritable coup de coeur en découvrant ce film la première fois et à chaque fois que je le revois, c'est toujours avec un immense plaisir. "Pourquoi ?", me direz-vous sans doute... Et bien, je ne sais pas... Peut-être parce que "Mon Oncle" dégage une certaine tendresse et une délicieuse poésie mélancolique mêlée à la nostalgie, qui rend ce film très touchant... Dans ce film, nous retrouvons le doux rêveur monsieur Hulot, qui s'efforce ici de distraire son petit neveu, qui s'ennuie dans la confortable villa ultramoderne de ses parents...
Tati s'investit encore davantage dans son oeuvre en dénonçant les effets pervers du modernisme dans cette satire d'une société moderne déshumanisée, où le burlesque se mêle à la poésie mélancolique et à la nostalgie. En critiquant le modernisme, Tati était bien en avance sur son temps, mais lorsque l'on revoit ce film aujourd'hui, on se rend tout simplement compte que Tati avait raison et que son oeuvre était visionnaire. Un peu comme Chaplin lorsqu'il réalisa "Les Temps Modernes". Tati démontre que nous vivons dans un monde où l'humanité n'existe plus, les hommes ont une machine à la place du coeur et le progrès nous enferme dans un univers qui nous arrache nos rêves. Le personnage du petit Gérard, neveu de Mr Hulot, représente tout cela: il vit dans une grande et belle villa qui dispose de nombreux gadgets ultramodernes. Pourtant, il n'est pas heureux et s'ennuie, préférant la compagnie de son oncle qui vit de façon toute simple à celle de ses parents qui vivent de manière trop hautaine.
Dans "Mon Oncle", ce sont deux mondes totalement opposés qui se rencontrent: le monde de la bourgeoisie et le monde des gens simples d'un quartier populaire des années 50. Dans le premier monde, le spectateur rencontre des gens hautains et maniérés, qui sont tellement exaspérants qu'on aurait presque envie de les baffer tellement ils se croient supérieurs ! Le deuxième monde, en revanche, nous semble beaucoup plus proche: ici, les gens sont simples, discutent ensemble et profitent de la vie. Bref, la morale que l'on peut tirer de ce film, c'est que même en ayant tout ce qu'on veut, ça ne nous rend pas forcément heureux et que les petites choses simples de la vie de tous les jours suffisent pour créer un bonheur, certes simple, mais authentique...
Ce film est pratiquement muet car il y a très peu de dialogues, mais il suffit d'observer attentivement chaque plan, chaque détail; car la moindre petite chose devient aussitôt un gag irrésistible, débordant de facétie et d'ingéniosité. Les acteurs sont tous excellents et la mise en scène est particulièrement brillante. Le tout est magnifié par une inoubliable musique, à la fois amusante et tendre en même temps. "Mon Oncle" est un film magnifique, mélange de drôlerie, de tendresse et de poésie mélancolique; un pur chef-d'oeuvre de Jacques Tati qui signait là un véritable bijou de comédie burlesque.